Analyse en prolongation de l'article HSR 30
Pour l'analyse initiale du corpus, vous pouvez vous reporter à l'article sur « Les bêtes à cornes et l'art pictural (XVIIe-XIXe) » paru dans le numéro 30 de la revue Histoire & Sociétés rurales, disponible sur le portail Cairn. Je propose ici une prolongation de cet article, en précisant les différences entre le premier corpus de 877 peintures et le corpus final de 1 363 peintures, sur la forme et sur le fonds.
I. Sur la forme : de 877 à 1 363 peintures
Les deux tableaux qui suivent montrent l'évolution du corpus.
Tableau 1. 877 œuvres.
| Période | France | Angleterre | Hollande | Flandre | Italie | Autres | Total |
|---|---|---|---|---|---|---|---|
| 1600-1699 | 63 | 0 | 222 | 91 | 26 | 9 | 411 |
| 1700-1799 | 130 | 26 | 20 | 17 | 13 | 8 | 214 |
| 1800-1850 | 176 | 51 | 7 | 7 | 1 | 10 | 252 |
Tableau 2. 1 362 œuvres.
| Période | France | Angleterre | Hollande | Flandre | Italie | Autres | Total |
|---|---|---|---|---|---|---|---|
| 1600-1699 | 83 | 0 | 436 | 156 | 35 | 23 | 733 |
| 1700-1799 | 152 | 43 | 18 | 22 | 22 | 20 | 277 |
| 1800-1850 | 223 | 81 | 17 | 4 | 1 | 26 | 352 |
On observe que les dominantes sont plus écrasantes avec la continuation du recensement. Notons d'abord que l'augmentation du nombre concerne en premier lieu la période de 1600 à 1699 (+ 79 %), puis celle de 1800 à 1850 (+ 40 %), plus que celle de 1700 à 1799 (+ 29 %).
Pour la première période, la domination de la Hollande est affirmée (on passe de 54 à 60 %), surtout au détriment de la France (de 15 à 11 %). Notons la découverte de nombreuses toiles de l'allemand Johann Heinrich Roos (1631-1685). Pour la deuxième période, en proportion de l'ensemble du corpus, on compte moins de toiles françaises (de 61 à 55 %), moins de toiles hollandaises (de 9 à 6 %), mais davantage de toiles anglaises (de 12 à 16 %), italiennes et allemandes. Enfin, pour les années 1800-1850, ce sont en proportion moins de toiles françaises (de 70 à 63 %), mais davantage de toiles hollandaises et anglaises (+ 2-3 points).
En termes de techniques et de supports, les statistiques sont proportionnellement quasi identiques aux premières observations avec la continuation de l'inventaire. Pour le XVIIe siècle, on est à 62,5 % sur toile, 29 % sur bois, 3,5 % sur cuivre. Pour le XVIIIe siècle, on est à 73,3 % sur toile, 10,8 % sur bois, une différence minime. Pour la première moitié du XIXe siècle, la toile perd deux points (71,5 %), qui vont au bois (21 %).
La part de peintures qui rejoignent des thèmes mythologiques, bibliques, antiques ou historiques, a tendance à diminuer avec l'augmentation du corpus (de 15 à 13 %), sans doute du fait que ces thèmes sont souvent numérisés en priorité, par exemple dans les musées français. C'est une perte de un à deux points par période, avec, sur les tendances observées, une confirmation d'un élan des peintres des XVIIe et XVIIIe siècles vers les représentations de l'enlèvement d'Europe et de Mercure et Argus.
Notons que cette première comparaison montre à quel point le premier corpus pouvait apparaître comme significatif pour une analyse correct de l'iconographie animale et surtout bovine. Malgré tout, comme toute œuvre est singulière, précisons quelques points sur l'analyse de contenu, à l'appui de 486 peintures supplémentaires.
II. Sur le fonds : confirmations et nouveaux enseignements
Cet ajout ne peut être lu qu'en complément de l'article, comme il n'est pas question de reprendre l'étude à sa base, mais plutôt de profiter de la continuation du recensement pour dégager de nouveaux enseignements.
Au sujet des robes et types bovins, le corpus élargi confirme l'analyse effectuée, de même pour l'âge et le sexe des animaux représentés, de même pour l'hygiène, en termes statistiques. Citons ici seulement deux toiles découvertes de Jules Dupré (1811-1890), qui participe, en France, relativement tôt, à l'élargissement des contrées représentées, ici en France, avec en 1835 une ‘Vue des pâtures du Limousin’ et en 1837 un ‘Paysage avec des bestiaux du Limousin’, en remarquant que les bêtes ne sont pas toutes rouges. Mais la révision de l'étude, du fait du caractère particulier de chaque œuvre, concerne surtout les espaces et les pratiques qui sont représentés, avec le soutien de conclusions déjà apportées, et parfois une atténuation d'autres points de synthèse.
On constate que l'élargissement du corpus donne une place plus importante à des représentations d'attelages aux XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi avec des exemples chez l'anversois Abraham Govaerts (1589-1629), chez l'anglais Paul Sandby (1731-1809), ce dernier représentant des forestiers se préparant à transporter du bois, ou encore chez Jacob Philipp Hackert (1737-1807), avec son ‘Automne’ de 1784.
Le mouvement des bestiaux, en passages de ponts ou traversées de gués, est véritablement prégnante dans les toiles du XVIe siècle, avec une conclusion clairement renforcée par l'élargissement du corpus, de même avec le bac très prisé en Hollande, essentiellement représenté avec des bestiaux à bord au XVIe siècle. Sans rapport direct avec le passage du gué, la représentation de bovins positionnés dans un espace d'eau peu profond, pour s'abreuver, est particulièrement importante dans les dernières décennies du XVIe siècle, surtout chez Nicolaes Berchem et Jan Siberechts, par la suite chez Théobald Michau (1700-65) ou William Shayer senior (1810-1879), puis chez les peintres de l'école de Barbizon.
Notons la découverte de toiles de Jacob van Strij (1756-1815), du début du XIXe siècle, dans lesquelles on retrouve l'héritage des peintres hollandais du XVIe siècle, ici avec une mise en valeur picturale de l'activité laitière, mais aussi du pâturage surveillé par des bergers et bergères. En 1806 et 1808, Pieter Gerardus von Os (1776-1839) présente en outre deux toiles inspirées des anciens, sans la même qualité quant au réalise recherché, avec de sa part une œuvre qui se démarque de ce mouvement par la suite (1817, 1821).
En plus des toiles des hollandais Cornelis Saftleven (1640) et Pieter von Bloemen (1657-1720), on retrouve le marché ouvert aux bestiaux chez l'allemand Johann Heinrich Roos (1676), avec des bêtes particulièrement engraissées, et avec l'impression d'une certaine cohue.
Les conclusions données sur la place des personnages, hommes, femmes et enfants, est confirmée dans l'observation des toiles ajoutées au corpus. Pour autant, l'être humain paraît plus présent dans les toiles du XVIe siècle, sur l'ensemble du corpus, avec un renforcement du gardiennage féminin du XVIIIe qui se perçoit déjà dans la seconde moitié du XVIe siècle, d'abord et surtout dans le cadre de traites effectuées dans des paysages hollandais.
L'activité de la laitière semble gagner en lisibilité, en intérieur chez Savery (1615), en extérieur chez Rubens (1617-18, 1618), chez Zoolmaker (1640-99), chez Jan Siberecht (1678), plus tard, avec cet héritage de l'école du Nord, chez Jacob van Strij au début du XIXe siècle.
L'étable reste un espace rare, mais on en découvre de nouveaux exemples intéressants. Le hollandais Roelant Savery (1579-1639) propose en 1615 des ‘Vaches dans une étable, avec des sorcières aux quatre coins’, avec une femme à la traite d'une des vaches, sous divers poils, avec un cornage différencié, des attaches aux pattes ou au cou, dans un cadre ouvert mais étroit, avec un homme posté à l'entrée du bâtiment, jouant de la flûte, et d'autres animaux dans l'espace exigüs, avec un chien, un bélier, un mouton, une chèvre, une salamandre, beaucoup d'objets, ce qui pourrait ressembler à une charrette recouverte. En outre le ‘retour du fils prodige’ de 1618, Peter Paul Rubens (1577-1640) marque son attachement pour ce lieu dans un autre toile, de 1618 ou 1619, avec dans les deux cas une stabulation marqué au niveau de la distribution alimentaire. Govert Camphuysen (1624-1674) présente l'entrée d'une bête à l'entrée par deux hommes, tandis qu'une femme est occupée à réparer l'un de ses bas. Vers 1660, David Teniers le Jeune (1610-1690) présente l'intérieur d'une ferme habitée dans laquelle on retrouve des vaches à l'arrière-plan, scène très rarement représentée, bien présente dans l'imagerie populaire mais seulement là dans deux toiles du corpus.
Voici ce que peut nous apporter une étude plus large, avec un corpus toujours plus significatif. La mise en place d'une base de données, avec un champ de mots clés, permet d'apporter d'autres éléments, statistiques, sur les contenus, selon d'autres problématiques.